Quand on cherche à progresser en cyclisme, bien déterminer ses zones d’entrainement est la première étape pour structurer ses séances. Plusieurs modèles existent pour segmenter les filières énergétiques à partir des valeurs cardiaques ou de puissance. Parmi ces modèles, on retrouve l’échelle ESIE, aussi appelée échelle de Grappe. Voyons ensemble à quoi correspond cette échelle et comment utiliser les 7 zones dans votre entrainement.
Qu’est-ce que l’échelle ESIE ?
L’échelle ESIE, pour Estimation Subjective de l’Intensité de l’Exercice, est un modèle découpant l’effort en 7 zones d’intensité distinctes. Théorisée en 1999 par le chercheur en sciences du sport et actuel directeur de la performance de l’équipe Groupama-FDJ, Fréderic Grappe, cette échelle se base sur 3 paramètres : la fréquence cardiaque, la puissance ainsi que le ressenti et la perception de l’effort du sportif.
Dans le contexte du début des années 2000, l’intégration de la puissance et de la perception de l’effort ont permis un travail plus précis des filières énergétiques par rapport à l’utilisation de la fréquence cardiaque seule, qui est limitée par le phénomène de dérive.
Les 3 paramètres de l’échelle ESIE : numériques et subjectifs
- La fréquence cardiaque : Frederic Grappe a établi une correspondance entre ses 7 zones d’intensité et la fréquence cardiaque, ce qui rend l’échelle ESIE utilisable avec un simple cardiofréquencemètre. Pour ce faire, il faudra déterminer sa fréquence cardiaque maximale (FCmax) et la multiplier par les pourcentages des zones que vous retrouverez dans le tableau.
- La puissance : l’échelle ESIE se base sur la Puissance Maximale Aérobie (PMA) pour déterminer les zones de puissance. Il s’agit de la puissance moyenne maximale qu’un cycliste est capable de produire sur une durée d’environ 5 minutes. Pour la déterminer, on réalise un test linéaire ou par paliers. Là où l’utilisation de la seule PMA pour déterminer ses zones de puissance peut être décriée, c’est pour le cas d’un sportif ayant un faible rapport FTP/PMA. En d’autres termes, un cycliste qui est plus fort sur les efforts longs autour de 1 heure (SV2) que sur les efforts courts de 5 minutes (VO2Max). Dans ce cas, les zones 1, 2 et 3 seront certainement sous-estimées et le travail en endurance moins efficace. C’est toute la complexité de la détermination des zones d’entrainement que j’évoque dans l’article dédié, et qui est phase d’être résolu avec la démocratisation de la mesure de la lactatémie (dont les protocoles et la méthodologie sont assez poussés et pour le moment difficilement applicables par le cycliste lambda qui s’entraine seul).
- La perception de l’effort : niveau de fatigue musculaire, ventilation, temps avant épuisement. Ce sont tout autant de facteurs qui permettent d’identifier précisément la zone d’intensité dans laquelle vous vous trouvez lors d’un effort. La corrélation des données numériques que nous venons d’évoquer avec le ressenti lors de l’effort permet au sportif de mieux se connaitre, mais aussi d’adapter son entrainement lorsque le ressenti réel ne correspond pas au ressenti théorique de la zone ciblée. Les causes peuvent être multiples : maladie, fatigue, températures très froides ou très chaudes.
Les limites de l’échelle de Grappe
Même si il est encore aujourd’hui particulièrement utilisé par les entraineurs francophones, du fait de sa simplicité de mise en place, ce modèle présente certaines limites. À commencer par celles du modèle en lui même. Ce type d’échelle est théorisé à partir de valeurs moyennes obtenues auprès d’un panel de sportifs représentatif. Dans les faits, notre niveau de pratique et nos caractéristiques physiologiques sont tous différents. Ils imposent de nuancer ces valeurs théoriques avec sa propre expérience du terrain ou l’avis d’un entraineur.
Le tableau des 7 intensités de l’Echelle ESIE
Détaillons maintenant chacune des intensités avec les valeurs de fréquence cardiaque, de puissance et de perception de l’effort correspondantes.
i1 : l’intensité légère
Fréquence cardiaque |
Puissance |
Perception |
Temps de travail limite |
Type de séance |
Inférieur à 75 % de FC max |
Inférieur à 50 % |
Aucune douleur musculaire, un pédalage en décontraction. La fatigue n’apparait qu’après plusieurs heures. Conversation très aisée. |
De nombreuse heures |
Récupération active, décontraction |
L’intensité la plus faible de l’échelle, celle qui correspond aux séances de récupération active. L’effort perçu sur de courtes ou longues durées (5h) est très faible. Dans un contexte sportif, cette intensité peut aussi être associée à l’ultra-distance.
i2 : l’intensité moyenne
Fréquence cardiaque |
Puissance |
Perception |
Temps de travail limite |
Type de séance |
Entre 75 et 85% de FC max |
Entre 50 et 65% de PMA |
Aucune douleur musculaire, le maintien de l’intensité est aisé. La fatigue apparait au bout de 3-4heures lorsque l’on est entrainé. Conversation aisée. |
Jusqu’à 5 heures environ |
Sorties longues en endurance fondamentale |
I2, ou la zone d’endurance fondamentale. Même si l’intensité est facilement maintenable sur de longues durées, elle nécessite un certain engagement pour ne pas basculer en z1, où les adaptations sont beaucoup plus faibles. Dans une planification polarisée, c’est en zone 2 que l’on passera le plus de temps. En plus de provoquer des adaptations dans le système oxydatif (mitochondries), c’est en haut de la zone i2 que l’on utilise le plus de lipides, donc que la consommation des graisses est la plus importante.
Pour la zone d’endurance fondamentale, il est important d’être attentif à sa perception d’effort. Comme les qualités physiologiques engagées en dessous du seuil aérobie (SV1) sont différentes de celles employées durant le test PMA, il se peut que votre zone i2 soit sous ou sur-évaluée. C’est à ce moment qu’interviennent la perception de l’effort et le suivi de la fréquence cardiaque. Il est aussi possible de déterminer ses zones 1, 2 et 3 en fonction de sa FTP suivant le modèle de Coggan (voir article : Comment déterminer ses zones d’entrainement ?).
i3 : l’intensité soutenue
Fréquence cardiaque |
Puissance |
Perception |
Temps de travail limite |
Type de séance |
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Entre 85 et 92% de FC max |
Entre 65 et 75% de PMA |
Début des douleurs, conversation pénible à tenir. Épuisement au bout de 2 heures de maintien continu. |
1 à 2 heures de temps de maintien |
Sortie de groupe à rythme rapide, montée de col, intensité au sein du peloton en compétition. Séances de vélocité, force sous max, temps de maintien au tempo. |
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Il s’agit de la zone tempo, que l’on peut aussi considérer comme de l’endurance critique. Cette zone se situe entre les seuils aérobie (SV1) et anaérobie (SV2). Contrairement à l’endurance fondamentale, la fatigue est plus rapide lorsque l’on passe du temps à i3. Un entrainement polarisé limitera au maximum le temps passé à i3 au profit des zones i2, i4 et i5. À l’approche des compétitions, il reste important de maintenir un certain travail en zone tempo.
i4 : l’intensité critique
Fréquence cardiaque |
Puissance |
Perception |
Temps de travail limite |
Type de séance |
Entre 92 et 96% de FC max |
Entre 75 et 80% de PMA |
Augmentation progressive des douleurs musculaires. Conversation difficile. Fatigue importante à partir de 20 minutes |
De 20 minutes à 1 heure |
Contre-la-montre, montée de col chronométrée, échappée en compétition. Travail au seuil anaérobie. |
La zone 4 correspond au seuil anaérobie, que l’on nomme aussi SV2 pour seuil ventilatoire 2. C’est à cette intensité que l’organisme produit davantage de lactates qu’il n’est capable d’en recycler. Si vous espérez progresser sur les efforts en montagne que l’on rencontre sur les cyclosportives, il est important d’axer un plusieurs cycles de travail sur cette intensité. À i4, la dérive cardiaque est importante, ce qui rend le travail au seuil anaérobie difficile à réaliser précisément sans capteur de puissance.
i5 : l’intensité sur-critique
Fréquence cardiaque |
Puissance |
Perception |
Temps de travail limite |
Type de séance |
Plus de 96% de FC max |
Autour de 100% de PMA |
Augmentation rapide des douleurs musculaires. Augmentation importante de la ventilation au bout de 1 minute. Conversation très difficile. Épuisement complet après 5 à 10 minutes d’effort. |
De 3 à 7 minutes en continu. |
Départ de cyclo-cross, début d’échappée en compétition. Travail à PMA et VO2max. |
À i5, on se trouve dans la zone de travail autour de la PMA (Puissance Maximale Aérobie). C’est à cette intensité que la consommation d’oxygène est à son maximum (VO2max). On peut développer ces capacités à cette intensité en optant pour des exercices de fractionné long ou court à PMA.
i6 : l’intensité sous-maximale
Fréquence cardiaque |
Puissance |
Perception |
Temps de travail limite |
Type de séance |
Fréquence cardiaque non représentative pour ces efforts courts |
Plus de 150% de PMA |
Souffrance extrême durant l’exercice, proche de la nausée. Conversation impossible. |
De 30 secondes à 1 minute |
Sprint long et efforts lactiques. Travail de la tolérance aux lactates. |
Il s’agit d’un effort intense, de quelques secondes, durant lequel on fait appel à la filière anaérobie lactique (d’où le nom de la zone : lactique). À i6, la production de lactates est très importante. L’augmentation du taux de lactates dans l’organisme rend la répétition des efforts particulièrement difficile. On peut réaliser des efforts courts et maximaux de 30s ou des fractionnés courts dans le but d’améliorer sa tolérance aux lactates. La durée d’effort étant courte, la fréquence cardiaque n’a pas le temps d’augmenter pendant l’exercice. Mieux vaut privilégier ses sensations et l’utilisation du capteur de puissance.
i7 : l’intensité maximale
Fréquence cardiaque |
Puissance |
Perception |
Temps de travail limite |
Type de séance |
Fréquence cardiaque non représentative pour ces efforts courts |
Plus de 250% de PMA |
Impression de réalisation de l’exercice en apnée. Hyperventilation en fin d’effort. |
De 4 à 10 secondes |
Sprint court. Travail au sprint. |
Le haut de l’échelle ESIE correspond à l’effort neuromusculaire le plus intense. À i7, c’est la filière aérobie alactique qui rentre en jeu. L’entrainement se réalise sous forme de sprints très courts, autour d’une dizaine de secondes, sans autre consigne de produire le maximum de puissance.
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