Lorsque l’on cherche à structurer son entrainement et à définir ses zones, les valeurs de FTP et de PMA ont souvent la faveur des cyclistes. Pourtant, la puissance critique peut constituer une meilleure alternative, représentant plus fidèlement vos capacités physiologiques et reposant sur des concepts scientifiques plus solides. Comment déterminer sa puissance critique et l’utiliser dans son entrainement en cyclisme ? Suivez le guide.
Qu’est-ce que la puissance critique ?
La puissance critique est le seuil de puissance qui peut être maintenu pendant une durée prolongée (30 à 40 minutes environ), sans diminuer ses réserves anaérobiques, autrement dit, sans conduire à l’épuisement. Quand le cycliste dépasse ce seuil, il commence à s’épuiser plus ou moins vite en fonction de l’intensité.
La puissance critique est le seuil de puissance en dessous duquel la réserve énergétique W’ ne diminue plus.
La puissance critique découle directement du concept de puissance/durée, qui suit une courbe hyperbolique. Le temps d’épuisement à l’effort est directement lié à l’intensité de ce dernier. La courbe W’ représente la réserve énergétique, qui évolue en fonction de la puissance et du temps, et s’exprime en kilojoules (kJ). Dès qu’un effort dépasse ce seuil de puissance critique, les réserves anaérobiques et le W’ diminuent.
Avec le CP (pour Critical Power en anglais), il est ainsi possible d’estimer un temps limite avant épuisement à une puissance donnée. Dans le cadre d’un effort en contre-la-montre ou sur une montée sèche par exemple, on peut alors identifier une puissance à ne pas dépasser pour éviter l’explosion.
Le concept de W’ ou W Prime, dérivé de la puissance critique
Il est vrai que la puissance critique et le W’ sont intimement liés. Effectivement, le W prime représente la quantité de travail qui peut être effectuée au-dessus de la puissance critique. Cette réserve d’énergie disponible, descend et remonte au fil des efforts, suivant le temps passé en dessous ou en dessous de la puissance critique.
Le W’ correspond à la courbe verte, qui évolue au fil des efforts.
En moyenne, les athlètes d’endurance ont généralement un W’ compris entre 15 et 25 kJ pour les hommes, et entre 10 et 18 kJ pour les femmes. Pour mieux comprendre ce concept, nous vous invitons à consulter les exemples d’analyse de séances à base du W’ en fin d’article.
Comment réaliser un test de puissance critique ?
Afin de déterminer votre puissance critique et le W’, vous devrez réaliser au minimum 3 tests de puissance maximale sur différentes durées :
- 3 minutes
- 5 minutes
- 12 minutes
Pour obtenir la meilleure répartition des durées, nous vous recommandons également d’ajouter un test de 20 minutes pour plus de précision. Évidemment, les tests 5 minutes et 20 minutes peuvent également être utilisés pour croiser vos données, déterminer votre PMA et votre FTP ainsi que pour constituer votre profil de puissance.
Les tests de puissance critique doivent être effectués à des jours différents, avec au moins 24 heures de repos entre les deux, afin que vos résultats ne soient pas influencés par la fatigue. Selon votre profil et votre capacité de récupération, effectuer plusieurs tests dans la même journée entrainera une sous-estimation de votre valeur de W’.
Lors de ces tests, l’échauffement est important. En effet les systèmes aérobies seront instantanément sollicités pour fournir de l’énergie lors de chaque effort maximal.
L’échauffement efficace :
- Augmentez progressivement l’intensité entre 50% et 70% de votre FTP.
- Incorporez ensuite quelques efforts intenses, comme 2 x 2 minutes à 100% de FTP, entrecoupées de 3 minutes en Z2.
- Suite à ces efforts de préparation, effectuez un retour au calme de 5 à 10 minutes avant de débuter votre test.
Notre calculateur pour déterminer votre puissance critique et votre W’ en cyclisme
Comme tout seuil basé sur plusieurs valeurs records, la puissance critique est dérivée d’une formule mathématique :
CP = (T¹ x P¹ – T² x P²) / (T² – T¹)
P¹ = Puissance lors du premier test (en watts)
T¹ = Durée du premier test (en minutes)
P² = Puissance lors du second test (en watts)
T² = Durée du seconde test (en minutes)
Pour vous simplifier son calcul et l’incorporation dans votre entrainement, nous avons développé notre propre calculateur de puissance critique et de W’.
Après avoir effectué vos efforts maximaux sur 3 et 12 minutes, renseignez ces valeurs dans le formulaire ci-dessous. Vous obtiendrez vos valeurs de puissance critique et W’, prêtes à être intégrées dans votre plateforme d’entrainement préférée.
Pourquoi utiliser la CP plutôt que la FTP ?
L’avantage principal du test de puissance critique est qu’il permet d’obtenir deux marqueurs physiologiques en un seul test : la puissance critique et le W’. Dans le cas où vous seriez plus performant sur les efforts anaérobiques (efforts courts de 10 secondes à 3 minutes environ), la puissance critique est plus pertinente pour définir vos zones d’entrainement. En effet, elle offre un aperçu plus complet de votre physiologie.
La raison est simple. Comme les tests FTP linéaires ou les Ramp Test se basent sur une seule filière énergétique, ils peuvent entrainer une sûr ou une sous-estimation de votre FTP. Au contraire, le modèle de puissance critique prend en compte des records de puissance plus variés, et est ainsi plus représentatif de vos forces et faiblesses, notamment en ce qui concerne votre système anaérobique.
Monitorer sa progression
Si vous vous entrainez avec la FTP, vous êtes peut-être frustrés de ne pas voir votre valeur brute de FTP augmenter. Vous avez alors l’impression de stagner. Pourtant, cela ne veut pas dire que vous ne progressez pas. Les progrès peuvent intervenir sur des durées d’effort plus courtes ou sur votre capacité à reproduire les efforts.
Dans ce cas, effectuer de nouveaux tests courts de 3 et 12 minutes et utiliser la puissance critique pour monitorer sa progression est alors intéressant. Voir votre CP évoluer vous motivera et vous encouragera à poursuivre vos efforts.
Existe-t-il une relation entre la puissance critique et la FTP ?
Bien que les termes de FTP et de puissance critique soient souvent associés, ces deux valeurs sont bien distinctes. Sur le papier, le temps de maintien maximal à FTP est d’environ une heure tandis que pour la CP, le temps de maintien est plus proche de 30 à 40 minutes.
Partant de ce principe, vous savez que votre puissance critique est forcément inférieure à votre FTP, mais quelle est la différence exacte ? Si l’on prend la moyenne des athlètes que nous avons testé, leur valeur de FTP se situe généralement entre 92 et 94% de leur CP. Indirectement, vous pouvez donc vous servir de la puissance critique pour définir vos zones d’entrainement en cyclisme, notamment en utilisant le modèle de Coggan en 7 zones.
Lire aussi : Comment déterminer ses zones d’entrainement en cyclisme ?
Analyse de séances sur la base du W’
Pour mieux comprendre l’intérêt de la CP, prenons l’exemple d’un cycliste à la puissance critique de 316w et au W’ de 22,9 kJ. Lors d’une sortie de 5 heures, il réalise un effort maximal de 15 minutes à 366w. Au début de l’effort, son W’ est à 22,48 kJ, soit 98% de son niveau maximal de réserves anaérobiques. Au bout des 15 minutes, il ne restait plus que 0,80 kJ, soit 3% de réserve.

L’effort sur la durée des 15 minutes est maximal, il est donc normal de s’approcher au plus proche de l’épuisement totalement du W’. La valeur restante de 0,80 kJ peut s’expliquer par le léger manque de fraicheur du coureur (séance réalisée en lendemain d’une sortie longue en endurance).
L’exemple d’un critérium

Prenons un autre exemple. Ce même coureur réalise un critérium où les efforts s’enchainent et le temps de récupération est court. Le départ est très rapide, il fait beaucoup d’efforts et dès la 5ème minute de course, le coureur a consommé une bonne partie de sa réserve de W’ (Sur le graphique vert, la ligne grise correspond au niveau d’épuisement du W’). À ce moment, il a besoin de récupérer. Ensuite, au km 9, il effectue un nouvel effort considérable pour rejoindre le groupe échappés. Il passe alors en dessous du W’. Les chiffres sont en accord avec les sensations, car il a fini par exploser de l’échappée qu’il avait rejoint et mettra plusieurs dizaines de minutes à tenter de récupérer de son effort dans le peloton. C’est un bon exemple de l’importance de la puissance critique dans la gestion de l’effort.
Références :
Simpson, L., & Kordi, M. (2017). Comparison of Critical Power and W′ Derived From 2 or 3 Maximal Tests, International Journal of Sports Physiology and Performance, 12(6), 825-830.
Maturana, F. M., Fontana, F. Y., Pogliaghi, S., Passfield, L., & Murias, J. M. (2018). Critical power: How different protocols and models affect its determination. Journal of Science and Medicine in Sport, 21(7), 742-747.
Karsten, B., Petrigna, L., Klose, A., Bianco, A., Townsend, N., & Triska, C. (2020). Relationship Between the Critical Power Test and a 20-min Functional Threshold Power Test in Cycling. Frontiers in Physiology, 11.
Poole, D. C., Burnley, M., Vanhatalo, A., Rossiter, H. B., & Jones, A. M. (2016). Critical power: an important fatigue threshold in exercise physiology. Medicine and science in sports and exercise, 48(11), 2320.
Vanhatalo, A., Jones, A. M., & Burnley, M. (2011). Application of critical power in sport. International journal of sports physiology and performance, 6(1), 128-136.