En cyclisme et dans tous les sports d’endurance en général, le seuil anaérobie (second seuil) a longtemps été considéré comme la valeur ultime à connaitre et à améliorer pour performer. Pourtant, le premier seuil, ou SV1, joue lui aussi un rôle majeur dans les performances d’un athlète d’endurance. Dans cet article, nous allons voir pourquoi il est important de développer son SV1 et comment l’améliorer avec une sélection de séances spécifiques.
Qu’est-ce que le SV1 ou seuil aérobie ?
L’acronyme SV1 fait référence au seuil ventilatoire 1, plus communément appelé seuil aérobie. Il s’agit du premier seuil physiologique, qui marque la limite entre un effort modéré (endurance fondamentale) et une intensité plus élevée. C’est à partir de ce premier seuil que l’organisme commence à utiliser les glucides comme source importante de carburant pour fournir de l’énergie pendant l’effort.
Le SV1 se situe sous le deuxième seuil, généralement entre 60 et 75 % de la VO2max. Dans le modèle polarisé en 3 zones, il définit la transition entre les zones 1 et 2. Quand il s’agit d’un modèle en 7 zones (Coggan ou echelle ESIE), le seuil ventilatoire 1 marque la transition entre les zones 2 et 3.
Le SV1 marque la limite entre les efforts modérés et ceux plus intenses
Pour définir ce seuil, on parle également de LT1 (premier seuil lactate) ou de SVFC1 (premier seuil de variabilité cardiaque). Ces termes font tous référence à ce même seuil aérobie, le nom variant simplement selon la méthode de détermination et de testing.
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Le seuil ventilatoire 1 : une limite physiologique entre 2 filières énergétiques
Pour démontrer l’intérêt de développer son SV1 pour performer en sport d’endurance, nous devons mentionner certaines bases de physiologie.
Pour produire de l’énergie (ATP), le corps dispose de plusieurs mécanismes. Les deux principaux sont la glycolyse (dégradation des glucides) et l’oxydation des graisses. Le premier est très efficace et permet de fournir une quantité importante d’énergie, lorsque l’intensité est élevée. Cependant, l’organisme ne dispose que de réserves limitées en glucides. À la plupart des intensités de course, même si vous consommez des glucides en quantité, il arrivera un moment où les réserves de glycogène du corps seront considérablement réduites.
À partir de SV1, l’ATP est majoritairement produit à partir de la glycolyse
Cette baisse du niveau de glycogène limite généralement la performance et est l’une des principales causes de fatigue à l’effort. En plus de cet épuisement, la glycolyse engendre des sous-produits métaboliques (via la saturation des mitochondries) qui contribuent à l’accumulation de la fatigue.
En revanche, lorsque l’intensité est modérée, en dessous de SV1 et du seuil aérobie, c’est la filière oxydative qui produit majoritairement l’ATP. L’énergie est alors issue de l’oxydation des graisses, un système énergétique quasi-ilimité. En effet, même le cycliste le plus affuté dispose de réserves de graisses suffisantes pour alimenter l’organisme pendant plusieurs jours. En dessous de SV1, l’organisme ne produit pas non plus de sous-produits métaboliques qui limitent la performance. La concentration en lactates reste stable.
Pourquoi améliorer son SV1 est-il si important en cyclisme ?
On comprend donc rapidement que pouvoir rester en filière oxydative à une puissance plus élevée est un intérêt majeur dans les sports d’endurance. Augmenter son SV1 et améliorer son seuil aérobie sont ainsi des clés de la performance en sport d’endurance.
Imaginez que vous rouliez à 3.5w/kg. Pendant que vos adversaires sont déjà en train de puiser dans leur stock de glycogène, vous seriez en mesure d’oxyder vos graisses et d’économiser votre énergie pour un effort ultérieur ou de simplement limiter la baisse de régime (dans le cas d’une course d’ultra-distance par exemple).
Pour les épreuves plus courtes et plus rythmées (type courses en circuit ou en ligne de moins de 5 heures), il est également important d’avoir un SV1 bien développé. Généralement, la capacité à produire des puissances élevées après plusieurs heures de course est un facteur déterminant de la performance. Avec un premier seuil plus élevé, vous serez en mesure de mieux conserver le glycogène musculaire pour ces moments clé de la course.
Deuxièmement, la capacité à utiliser efficacement les graisses comme carburant influe fortement sur l’espacement du deuxième seuil. À une puissance donnée, la production de lactate est plus faible, ce qui permet de “pousser” le seuil anaérobie (SV2).
Comment déterminer son SV1 ?
Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour déterminer plus ou moins précisément l’emplacement de son premier seuil. Certaines méthodes de testing (lactates et mesure des échanges gazeux) sont assez lourdes à mettre en place mais permettent d’obtenir une valeur chiffrée de puissance et de fréquence cardiaque correspondants au premier seuil. Il est aussi possible d’estimer son SV1 à partir d’un test beaucoup plus simple à mettre en place, le test de parole (talk-test).
La mesure des échanges gazeux en laboratoire
Le seuil aérobie peut être déterminé par des changements dans la composition de l’air expiré à l’effort. En effet, l’utilisation accrue des glucides entraîne une augmentation de la production de dioxyde de carbone.
Si vous réalisez un test à l’effort en laboratoire, avec mesure des échanges gazeux avec un masque, vous obtiendrez la valeur précise de vos SV1 et SV2, aussi bien en termes de puissance que de fréquence cardiaque.
Le test de lactates
Nous avons vu précédemment que la dégradation des glucides entrainait la production de lactate. Ce produit peut être détecté dans le sang et mesuré avec un lecteur de lactatémie. En suivant un protocole bien précis, avec des paliers de puissance et des relevés réguliers, vous obtiendrez une courbe de lactatémie comme celle-ci.

Elle représente la relation entre la puissance fournie et les niveaux de lactate dans le sang. Le seuil aérobie (LT1) est souvent défini comme le point où l’on observe pour la première fois une augmentation des niveaux de lactate. Ce test lactate peut être effectué en laboratoire, ou sur le terrain, en achetant un lecteur dédié.
Le talk-test pour estimer son SV1
En dessous du seuil aérobie, la respiration est très confortable et vous pouvez facilement tenir une conversation. Au-dessus du SV1, la ventilation se modifie sensiblement, ce qui signifie qu’il devient nettement plus difficile de parler.
Vous pouvez utiliser ce principe afin d’estimer la localisation approximative de votre seuil aérobie :
- Commencez par rouler à une intensité très faible (autour d’un RPE 2/10 ou de 55% de FTP).
- Maintenez cette puissance pendant 5 minutes, puis tout en maintenant l’effort, récitez l’alphabet à haute voix. Demandez-vous si vous vous sentez à l’aise en parlant, c’est-à-dire que vous n’avez pas besoin de prendre fréquemment de grandes respirations. Si vous devez respirer régulièrement, environ toutes les 10 lettres de l’alphabet, cela indique que parler est devenu inconfortable.
- Répétez les étapes ci-dessus en augmentant d’environ 10 à 15w par paliers, jusqu’à ce que vous atteigniez un niveau où respirer n’est clairement plus confortable.
Votre seuil aérobie, ou SV1, est la puissance la plus élevée à laquelle la respiration vous semble confortable.
Comment améliorer ses capacités aérobies avec le SV1 ?
Maintenant que vous êtes convaincus de l’importance du SV1 dans la performance en sport d’endurance, vous cherchez probablement à l’améliorer. Nous vous livrons 2 types de séances à mettre en place dans votre entrainement.
Augmentation du volume d’entrainement en endurance
Sans surprise, passer du temps en dessous de SV1, en zone d’endurance fondamentale, est un excellent moyen d’améliorer votre seuil aérobie. Le volume d’entrainement réalisé à cette intensité modérée améliore la capacité des muscles à utiliser les graisses comme carburant, grâce à la croissance des mitochondries.
Dans un modèle polarisé, ces séances en endurance fondamentale devraient être la base de l’entrainement en représentant environ 80% de votre volume.
Séances au dessus de SV1 (Z3, tempo, sweetspot)
S’entraîner légèrement au-dessus du seuil aérobie pendant des intervalles de temps plus longs (par exemple, 30 à 60 minutes au total par séance) peut également contribuer à développer le SV1.
L’intensité que l’on va cibler va donc être située un peu en dessous du deuxième seuil, soit généralement entre 80 à 95% de FTP ou entre 85 et 92% de FCmax. Ce type d’entraînement améliore également la capacité oxydative des graisses.
En plus du travail en endurance fondamentale, s’entrainer au dessus du SV1 permet de le développer en le « tirant ».
Une séance type qui peut s’inscrire dans un cycle de travail à sweetspot est la suivante : après un échauffement de 30 minutes minimum en z2, réalisez 3 séries de 10 min entre 88% et 94% de FTP, avec 8 minutes de récupération entre les efforts.
Références :
Purdom, T., Kravitz, L., Dokladny, K. et al. Understanding the factors that effect maximal fat oxydations. J Int Soc Sports Nutr 15, 3 (2018).
Spurway, N. C. (1992). « Aerobic exercise, anaerobic exercise and the lactate threshold ». British Medical Bulletin, 48(3), 569-591.
Achten, J, and A E Jeukendrup. (2004). “Relation between plasma lactate concentration and fat oxidation rates over a wide range of exercise intensities.” International journal of sports medicine vol. 25,1.
Rodríguez-Marroyo, Jose A et al. (2013). “Relationship between the talk test and ventilatory thresholds in well-trained cyclists.” Journal of strength and conditioning research vol. 27,7